« Au stade »

Au stade,

Je presse le robinet.
L’eau coule,
Monte dans mon flingue en plastique fluo.
Mon frangin m’asperge la nuque en traître.
Il court vers les terrains de basket plus haut.
Ma vengeance tonne à des kilomètres.

Je presse le robinet.
L’eau coule.

Je me retourne et une fille de ma classe
Se tient la cheville en faisant la grimace.
Je veux la porter jusqu’à la cour de l’école
Les autres rigolent. Son cou sur mon l’épaule…

Je presse le robinet.
L’eau coule.

Éclabousse mes baskets pleines de boue.
Je cherche mon souffle entre deux gorgées.
Derrière, le cross du collège, déboule.
Je laisse ma place à d’autres sous le jet.

Je presse le robinet.
L’eau coule.

Je ferme la gourde et reprend mes pédales,
Du terrain de foot, étincellent des cris.
Toute la ville réclame après la balle,
S’engueule en Djamel, Miguel ou Paul-Henri.

Je presse le robinet.
L’eau coule

Une adolescente poursuit mon voisin
En brandissant une bouteille ouverte.
Un arc en ciel passe dans le ciel de juin
Sur la pelouse, des rires se perdent . .

Je presse le robinet.
L’eau coule.

Je viens de me retordre le genou,
Le froid n’y change rien. Sur la piste,
Elle passe le témoin. Mon cœur se noue.
Elle se tourne et j’ai zéro blague en liste.

Je presse le robinet.
L’eau coule.

La lune s’accroche au toit du gymnase.
>Les spliffs m’assèchent la bouche un truc de ouf’.
Dans les gradins, on joue à rimer des phrases.
Je vais rester encore. Chez moi, j’étouffe.
Fuck Da pantoufles !

Je presse le robinet.
L’eau coule.

La gueule cernée sous la flotte glacée,
Je crache sur mes dernières semaines.
Sur les noubas et mes poumons encrassés.
Ainsi donc, j’ai tout fumé de ma vingtaine ?

Je presse le robinet.
L’eau coule…

Sur le coude à peine écorché de ma fille,
Dans l’herbe, son frère agrippe un cerf-volant.
Des impacts de crampons décorent la grille.
On repart. Midi sonne. J’ai trente-sept ans.

L’eau coule.
Encore.